Jean-Luc Stanislas, fondateur de la plateforme ManagerSante.com, consultant en management, membre expert à la HAS (Haute Autorité de Santé).
« Innovation et management des structures de santé en France » paraîtra en octobre prochain. Pourquoi avoir voulu réaliser ce livre ?
Jean-Luc Stanislas : Cet ouvrage a vu le jour en pleine période de transition et dans la tourmente de la crise sanitaire, qui n’a fait qu’accentuer les périodes de turbulences organisationnelles que traversaient les établissements de santé en France depuis plusieurs années. Dans ce contexte, il était intéressant, pour nous, de dresser un bilan de la situation contrastée des structures de santé en France et de proposer des perspectives d’améliorations possibles et réalistes, à partir des expériences vertueuses déjà engagées sur le terrain par les acteurs de santé dans les territoires. À partir des sujets récurrents largement abordés par les politiques de santé, nous avons souhaité explorer des thématiques prioritaires comme la qualité et la pertinence des soins, le financement des établissements de santé, le virage numérique, les tensions relatives aux ressources humaines ou encore les enjeux des territoires de santé. Nous avons bénéficié de la contribution du Docteur Jacques Lucas (président de l’Agence du Numérique en Santé) et du professeur Sandra Bertezene (titulaire de la Chaire de Santé au CNAM) ayant apporté leur précieux soutien pour ce projet collectif.
Nous sommes en effet convaincus que les stratégies de décloisonnement et de synergies constituent, désormais, des modalités incontournables pour envisager une « sortie de crise » structurelle et durable pour améliorer la coordination et le pilotage de nos structures de santé en France. L’actualité sanitaire n’a fait que révéler cette nécessité d’agir collectivement sur les points de vulnérabilités, et c’est ce que nous avons souhaité développer dans cette publication. Nous avons à ce titre sollicité de nombreux experts pour engager une réflexion collective sur les principales problématiques. Nous avons, en parallèle, surtout mis l’accent sur les nombreuses innovations et initiatives portées par les structures de santé et offrant des alternatives pertinentes pour accompagner la transformation de l’offre de soins sur le territoire.
À qui s’adresse cette publication ?
Cet ouvrage qui devrait faire référence s’adresse, en particulier, à tous les décideurs, professionnels de santé, acteurs de l’écosystème, étudiants et usagers souhaitant avoir une vision globale sur les problématiques, enjeux et perspectives d’évolution, à travers le prisme des innovations actuelles et à venir. Il propose d’apporter des clés de compréhension et des pistes d’actions constructives pour les structures et institutions sanitaires et médico-sociales des secteurs public et privé, mais aussi les organismes de tutelles et de gouvernance. Cette publication pourra également éclairer le monde de l’entreprises, des startups et du secteur associatif impliqués dans cet écosystème.
Comment avez-vous sélectionné les 54 auteurs ?
Notre ambition consistait à réunir un ensemble d’acteurs interdisciplinaires, particulièrement engagés de manière directe ou indirecte sur le terrain, pour explorer les principales thématiques ayant retenu notre attention – et dont l’actualité sanitaire a révélé des zones de vulnérabilités structurelles. La plupart des contributeurs, de notoriété nationale et internationale, ont d’ailleurs déjà proposé leurs analyses à travers des articles et ouvrages en lien avec les questions de santé et que nous avons souhaité explorer. Pour résumer, nous avons donc mobilisé des regards croisés pour envisager cet ouvrage, qui est nourri par la richesse des analyses scientifiques, académiques, institutionnelles, juridiques, philosophiques de ces 54 experts aux profils hybrides : directeurs d’établissements sanitaires et médico-sociaux, aussi bien publics que privés, médecins, soignants, universitaires, entrepreneurs, consultants, chercheurs, architectes, avocats, juristes, philosophes, usagers…
Quelles ont été vos méthodes de travail ?
Les auteurs ont apporté leurs regards en fonction de leur domaine d’expertise autour de cinq grandes parties : territoires & organisation, pilotage & management, soins & performances, innovations & communication, droit & éthique. Plusieurs mois entre 2020 et 2021 ont été nécessaires pour qu’ils puissent dresser un bilan des problématiques actuelles et envisager des perspectives d’améliorations réalistes. L’ouvrage se déclinera ainsi en dix chapitres, avec des exemples concrets et lisibles sur les innovations au service de la qualité des soins, tout en offrant une lecture optimiste des changements incontournables des organisations de santé.
Jean-Luc Stanislas : Cet ouvrage a vu le jour en pleine période de transition et dans la tourmente de la crise sanitaire, qui n’a fait qu’accentuer les périodes de turbulences organisationnelles que traversaient les établissements de santé en France depuis plusieurs années. Dans ce contexte, il était intéressant, pour nous, de dresser un bilan de la situation contrastée des structures de santé en France et de proposer des perspectives d’améliorations possibles et réalistes, à partir des expériences vertueuses déjà engagées sur le terrain par les acteurs de santé dans les territoires. À partir des sujets récurrents largement abordés par les politiques de santé, nous avons souhaité explorer des thématiques prioritaires comme la qualité et la pertinence des soins, le financement des établissements de santé, le virage numérique, les tensions relatives aux ressources humaines ou encore les enjeux des territoires de santé. Nous avons bénéficié de la contribution du Docteur Jacques Lucas (président de l’Agence du Numérique en Santé) et du professeur Sandra Bertezene (titulaire de la Chaire de Santé au CNAM) ayant apporté leur précieux soutien pour ce projet collectif.
Nous sommes en effet convaincus que les stratégies de décloisonnement et de synergies constituent, désormais, des modalités incontournables pour envisager une « sortie de crise » structurelle et durable pour améliorer la coordination et le pilotage de nos structures de santé en France. L’actualité sanitaire n’a fait que révéler cette nécessité d’agir collectivement sur les points de vulnérabilités, et c’est ce que nous avons souhaité développer dans cette publication. Nous avons à ce titre sollicité de nombreux experts pour engager une réflexion collective sur les principales problématiques. Nous avons, en parallèle, surtout mis l’accent sur les nombreuses innovations et initiatives portées par les structures de santé et offrant des alternatives pertinentes pour accompagner la transformation de l’offre de soins sur le territoire.
À qui s’adresse cette publication ?
Cet ouvrage qui devrait faire référence s’adresse, en particulier, à tous les décideurs, professionnels de santé, acteurs de l’écosystème, étudiants et usagers souhaitant avoir une vision globale sur les problématiques, enjeux et perspectives d’évolution, à travers le prisme des innovations actuelles et à venir. Il propose d’apporter des clés de compréhension et des pistes d’actions constructives pour les structures et institutions sanitaires et médico-sociales des secteurs public et privé, mais aussi les organismes de tutelles et de gouvernance. Cette publication pourra également éclairer le monde de l’entreprises, des startups et du secteur associatif impliqués dans cet écosystème.
Comment avez-vous sélectionné les 54 auteurs ?
Notre ambition consistait à réunir un ensemble d’acteurs interdisciplinaires, particulièrement engagés de manière directe ou indirecte sur le terrain, pour explorer les principales thématiques ayant retenu notre attention – et dont l’actualité sanitaire a révélé des zones de vulnérabilités structurelles. La plupart des contributeurs, de notoriété nationale et internationale, ont d’ailleurs déjà proposé leurs analyses à travers des articles et ouvrages en lien avec les questions de santé et que nous avons souhaité explorer. Pour résumer, nous avons donc mobilisé des regards croisés pour envisager cet ouvrage, qui est nourri par la richesse des analyses scientifiques, académiques, institutionnelles, juridiques, philosophiques de ces 54 experts aux profils hybrides : directeurs d’établissements sanitaires et médico-sociaux, aussi bien publics que privés, médecins, soignants, universitaires, entrepreneurs, consultants, chercheurs, architectes, avocats, juristes, philosophes, usagers…
Quelles ont été vos méthodes de travail ?
Les auteurs ont apporté leurs regards en fonction de leur domaine d’expertise autour de cinq grandes parties : territoires & organisation, pilotage & management, soins & performances, innovations & communication, droit & éthique. Plusieurs mois entre 2020 et 2021 ont été nécessaires pour qu’ils puissent dresser un bilan des problématiques actuelles et envisager des perspectives d’améliorations réalistes. L’ouvrage se déclinera ainsi en dix chapitres, avec des exemples concrets et lisibles sur les innovations au service de la qualité des soins, tout en offrant une lecture optimiste des changements incontournables des organisations de santé.
La crise sanitaire constitue ici un fil rouge majeur. Quel en sera, selon vous, son impact sur les secteurs de la santé et du médico-social ?
Nous savons que les établissements de santé en France subissent, depuis déjà plusieurs années, des contraintes fortes et croissantes dans l’organisation et le pilotage de leurs activités. Celles-ci ont été sans surprise accentuées par la pandémie, et c’est ce que nos auteurs ont souhaité mettre en exergue dans cet ouvrage. Tous nos experts évoquent ainsi ce sujet. La crise sanitaire n’a cependant fait que révéler l’impérieuse nécessité d’envisager la mise en œuvre de la transformation de notre système de santé pour répondre à de nouveaux enjeux, y compris, comme le rappelle par exemple Anne Beinier, ceux inscrits dans « Ma Santé 2022 » et qui doivent tenir compte des orientations européennes. Le système de santé de demain doit plus que jamais être pensé pour le patient et reposer sur une co-construction à la fois collégiale et structurelle. Il faudra également, comme le souligne Mathieu Sibe, repenser les architectures hospitalières pour qu’elles soient mieux en phase avec un environnement mouvant et pouvoir ainsi répondre aux aléas des crises sanitaires. Cet objectif peut notamment être atteint avec une meilleure maîtrise des outils cindyniques, comme l’illustre très bien Jan-Cédric Hansen.
Qu’en est-il de l’innovation ?
Les innovations sont aujourd’hui au carrefour des évolutions qui transforment les modes de gestion des structures de santé, et en particulier les innovations médicales utilisant les technologies de la e-santé, bien décrites par le docteur Pierre Simon et Olivier Babinet. Tous les secteurs d’activités sanitaires et médico-sociaux doivent se réinventer en France, de manière structurelle, avec des systèmes de régulations adaptés et gradués et des modes de management à l’échelle des territoires de santé. Pour aller plus loin, Lydwine Vaillant nous propose d’ailleurs un tour de France des innovations organisationnelles et Nada Nadif sur l’accompagnement du changement disruptif, en passant par des méthodes agiles transformationnelles bien décrites par Mélodie Fortier et Samuel Bottaro. Sur le plan opérationnel, des innovations pionnières de nature technologiques et managériales très concrètes sont également présentées par Yann Bubien, concernant le CHU de Bordeaux, et par Rodolphe Bourret pour l’hôpital de Valenciennes.
Autre point essentiel dans la construction de la santé de demain, le décloisonnement à l’échelle des territoires de santé constitue une modalité incontournable pour porter des actions stratégiques pertinentes au service de la qualité des soins. L’une de ces initiatives vertueuses concerne par exemple le déploiement des CPTS présenté par le docteur Claude Leicher, et visant à rompre les silos actuels en faveur d’une prise en charge territoriale coordonnée. Les pratiques professionnelles doivent également être renforcées, notamment par la pratique avancée des infirmiers, la recherche en soins, la formation des soignants, le patient partenaire et l’expérience patient, comme le précisent les contributions de Florence Ambrosino, Nadia Peoc’h, Thérèse Psiuk, Alexis Bataille et Amah Kouevi.
Les professionnels ont également de fortes attentes pour redonner du sens au parcours de soins, mais aussi adapter les ressources pour répondre aux nombreux défis à relever pour demain…
Sur ce volet, Jean-Michel Budet et Jean-Marie Barbot ont décrit les évolutions des réformes et des nouveaux enjeux du pilotage RH dans la fonction publique hospitalière. Les instances de gouvernance et de pilotage des organisations sont aujourd’hui en pleine mutation, comme en témoignent les conclusions du Ségur de la Santé. Les modes de gouvernance à l’échelle des territoires sont interrogés, notamment avec Christophe Pascal qui propose une approche intégrée en évoquant les Groupements Territoriaux de Santé, et Marc Frachette qui valorise les nouvelles formes de coopération-décentralisation. Par ailleurs, la question systémique de la RSE, sous le prisme du développement durable, correspond à un impératif environnemental pour la santé des populations, dont les attentes fortes doivent encore faire l’objet d’avancées au cœur de la politique de santé, selon Olivier Toma.
Et concernant le financement ?
Si nous voulons conserver un niveau de qualité et de pertinence des soins, il est nécessaire de revoir les modalités de financement des structures de santé pour permettre aux professionnels de santé d’adapter les meilleures réponses dans l’offre de soin. Karim Amri a donné quelques clés de compréhension sur les impératifs de transformation des modes de gestions financières et budgétaires. Il est essentiel de trouver des modalités de coordination entre les acteurs pour donner de la cohérence aux actions menées sur le terrain au service du patient. Cela se traduit par des stratégies de communication qui deviennent particulièrement déterminantes pour accompagner les patients et les professionnels dans le foisonnement des transformations actuelles. Le professeur Michèle Guillaume-Hornung et Carole Gleyzes nous donnent des éléments de réponse très éclairants autour de la médiation et des stratégies de communication, pouvant faire appel aux émotions révélées par le champ des neurosciences et présentées par le docteur Bernard Anselem.
Quelle est votre vision de l’hôpital du futur ?
L’hôpital de demain sera résolument ouvert et tourné vers le champ des innovations pour s’adapter et résoudre des problèmes complexes et persistants rencontrés pars les usagers, les aidants et les professionnels, avec une approche inclusive, citoyenne et humaine. Les établissements de santé seront également fortement engagés sur des priorités essentielles que les auteurs ont évoquées dans cet ouvrage : la qualité et la pertinence des soins, les modes de financement et de régulation, le virage numérique, la qualité de vie au travail et surtout l’organisation territoriale des soins.
Selon certains de nos auteurs, comme les directrices d’hôpital Émilie Lebee et Inès Gravey, « des living labs implantés dans des hôpitaux, des hackathons pour réunir professionnels et usagers autour de la résolution de défis du système de santé, des acteurs nationaux comme locaux qui font appel à des designers pour accompagner la redéfinition de leur offre... assurément l’engouement pour l’innovation est en train de gagner le secteur de la santé hexagonal ». Elles ajoutent « qu’à l’heure où la transformation de notre système de santé se focalise sur la conception de nouveaux modèles financiers, juridiques ou numériques, la mobilisation des méthodes d’innovation permettant la construction de nouveaux modèles managériaux constitue une opportunité unique pour s’orienter enfin vers un système de santé tourné vers ses patients, aidants et professionnels ».
Le champ de la prévention en santé, le décloisonnement entre la ville, l’hôpital et le médico-social constituent aussi des leviers stratégiques qui renforceront la distribution des ressources pour réduire le déséquilibre structurel de notre système de santé. Enfin, l’hôpital participera encore davantage à l’harmonisation des actions visant l’accès aux soins, dans une perspective réduisant la complexité et favorisant le décloisonnement pour une meilleure coordination entre les différents professionnels.
Qu’en est-il de l’EHPAD du futur ?
Les EHPAD font partie du dispositif de l’offre de soins auprès des personnes en situation de vulnérabilité du fait du vieillissement de la population, notamment en France. Il sera nécessaire d’associer l’articulation entre le médico-social, la ville et l’hôpital. Selon Régine Roche, directrice d’EHPAD publics multisites et docteure en sciences de gestion, « l’EHPAD du futur sera ouvert sur le domicile et sur la ville, et fonctionnera dans une logique d’"inclusivité", ce qui suppose de changer de paradigme dans la relation individu/institution ».
L’objectif sera donc de sortir de la mono-exploitation centrée sur la fonction d’hébergement permanent, pour ouvrir l’EHPAD sur le territoire et l’amener à évoluer vers un « pôle ressources » capable de répondre aux attentes des personnes âgées fragiles et en perte d’autonomie, quels que soient leurs lieux de vie et situations personnelles et familiales. Dans cette optique, l’« EHPAD pôle ressources territorial » aura l’obligation d’apporter une amélioration tangible de la coordination des services à domicile en favorisant des partenariats et des coopérations externes avec d’autres opérateurs de services.
La dernière partie de l’ouvrage se concentre d’ailleurs sur le droit et l’éthique. Quel sont les problèmes qui se posent ici et qui se poseront à l’avenir ?
Plusieurs sujets d’actualité nourrissent les débats à l’heure où notre système de santé souffre de repères juridiques et éthiques pouvant garantir l’intégrité des valeurs fondamentales pour le patient, notamment dans le contexte de l’accélération du numérique en santé. Pascal Forcioli et le philosophe Frédéric Spinhirny apportent des analyses très éclairantes sur ces questions. Il s’agit d’aborder les impacts des organisations et des nouvelles technologies en santé pour les patients et les soignants. En effet, l’accélération du virage numérique a profondément modifié le rapport patient-soignant sur la qualité de la relation et des informations partagées. Nos auteurs abordent plusieurs axes : juridiques, éthiques, philosophiques et managériaux. Des questions essentielles sont également évoquées comme « la garantie humaine » dans la sécurisation des données de santé ou l’importance des responsabilités éthiques médico-administratives dans la coordination et la gestion des soins du patient-citoyen.
Comme le précise David Gruson, fondateur de l’institut EthikIA, « la crise sanitaire induit une accélération [des] transformations digitales avec une diffusion rapide d’innovations numériques : intelligence artificielle de diagnostic médical, pilotage par les données de santé, digitalisation du back-office du système… mais aussi de risques éthiques. La reconnaissance, en 2020, du principe de Garantie Humaine du numérique et de l’IA en santé représente, à cet égard, une avancée majeure. À partir de la nouvelle obligation de conformité en Garantie Humaine portée par l'article 11 du projet de loi bioéthique, cette contribution permettra d'identifier les modalités de management d'un dispositif opérationnel, porteur d'une véritable régulation positive de la transformation numérique en santé ». Il s’agit aussi, dans cette dernière partie, de proposer des pistes de réflexions pour mieux prendre en compte les besoins du patient dans un environnement de plus en plus technologique, pouvant augmenter le niveau de sa vulnérabilité. Le « prendre soin » reste une valeur humaniste, selon le Professeur Éric Delassus, qui doit guider la conduite des acteurs de santé pour s’adapter aux organisations actuelles et futures du système de santé français.
Nous savons que les établissements de santé en France subissent, depuis déjà plusieurs années, des contraintes fortes et croissantes dans l’organisation et le pilotage de leurs activités. Celles-ci ont été sans surprise accentuées par la pandémie, et c’est ce que nos auteurs ont souhaité mettre en exergue dans cet ouvrage. Tous nos experts évoquent ainsi ce sujet. La crise sanitaire n’a cependant fait que révéler l’impérieuse nécessité d’envisager la mise en œuvre de la transformation de notre système de santé pour répondre à de nouveaux enjeux, y compris, comme le rappelle par exemple Anne Beinier, ceux inscrits dans « Ma Santé 2022 » et qui doivent tenir compte des orientations européennes. Le système de santé de demain doit plus que jamais être pensé pour le patient et reposer sur une co-construction à la fois collégiale et structurelle. Il faudra également, comme le souligne Mathieu Sibe, repenser les architectures hospitalières pour qu’elles soient mieux en phase avec un environnement mouvant et pouvoir ainsi répondre aux aléas des crises sanitaires. Cet objectif peut notamment être atteint avec une meilleure maîtrise des outils cindyniques, comme l’illustre très bien Jan-Cédric Hansen.
Qu’en est-il de l’innovation ?
Les innovations sont aujourd’hui au carrefour des évolutions qui transforment les modes de gestion des structures de santé, et en particulier les innovations médicales utilisant les technologies de la e-santé, bien décrites par le docteur Pierre Simon et Olivier Babinet. Tous les secteurs d’activités sanitaires et médico-sociaux doivent se réinventer en France, de manière structurelle, avec des systèmes de régulations adaptés et gradués et des modes de management à l’échelle des territoires de santé. Pour aller plus loin, Lydwine Vaillant nous propose d’ailleurs un tour de France des innovations organisationnelles et Nada Nadif sur l’accompagnement du changement disruptif, en passant par des méthodes agiles transformationnelles bien décrites par Mélodie Fortier et Samuel Bottaro. Sur le plan opérationnel, des innovations pionnières de nature technologiques et managériales très concrètes sont également présentées par Yann Bubien, concernant le CHU de Bordeaux, et par Rodolphe Bourret pour l’hôpital de Valenciennes.
Autre point essentiel dans la construction de la santé de demain, le décloisonnement à l’échelle des territoires de santé constitue une modalité incontournable pour porter des actions stratégiques pertinentes au service de la qualité des soins. L’une de ces initiatives vertueuses concerne par exemple le déploiement des CPTS présenté par le docteur Claude Leicher, et visant à rompre les silos actuels en faveur d’une prise en charge territoriale coordonnée. Les pratiques professionnelles doivent également être renforcées, notamment par la pratique avancée des infirmiers, la recherche en soins, la formation des soignants, le patient partenaire et l’expérience patient, comme le précisent les contributions de Florence Ambrosino, Nadia Peoc’h, Thérèse Psiuk, Alexis Bataille et Amah Kouevi.
Les professionnels ont également de fortes attentes pour redonner du sens au parcours de soins, mais aussi adapter les ressources pour répondre aux nombreux défis à relever pour demain…
Sur ce volet, Jean-Michel Budet et Jean-Marie Barbot ont décrit les évolutions des réformes et des nouveaux enjeux du pilotage RH dans la fonction publique hospitalière. Les instances de gouvernance et de pilotage des organisations sont aujourd’hui en pleine mutation, comme en témoignent les conclusions du Ségur de la Santé. Les modes de gouvernance à l’échelle des territoires sont interrogés, notamment avec Christophe Pascal qui propose une approche intégrée en évoquant les Groupements Territoriaux de Santé, et Marc Frachette qui valorise les nouvelles formes de coopération-décentralisation. Par ailleurs, la question systémique de la RSE, sous le prisme du développement durable, correspond à un impératif environnemental pour la santé des populations, dont les attentes fortes doivent encore faire l’objet d’avancées au cœur de la politique de santé, selon Olivier Toma.
Et concernant le financement ?
Si nous voulons conserver un niveau de qualité et de pertinence des soins, il est nécessaire de revoir les modalités de financement des structures de santé pour permettre aux professionnels de santé d’adapter les meilleures réponses dans l’offre de soin. Karim Amri a donné quelques clés de compréhension sur les impératifs de transformation des modes de gestions financières et budgétaires. Il est essentiel de trouver des modalités de coordination entre les acteurs pour donner de la cohérence aux actions menées sur le terrain au service du patient. Cela se traduit par des stratégies de communication qui deviennent particulièrement déterminantes pour accompagner les patients et les professionnels dans le foisonnement des transformations actuelles. Le professeur Michèle Guillaume-Hornung et Carole Gleyzes nous donnent des éléments de réponse très éclairants autour de la médiation et des stratégies de communication, pouvant faire appel aux émotions révélées par le champ des neurosciences et présentées par le docteur Bernard Anselem.
Quelle est votre vision de l’hôpital du futur ?
L’hôpital de demain sera résolument ouvert et tourné vers le champ des innovations pour s’adapter et résoudre des problèmes complexes et persistants rencontrés pars les usagers, les aidants et les professionnels, avec une approche inclusive, citoyenne et humaine. Les établissements de santé seront également fortement engagés sur des priorités essentielles que les auteurs ont évoquées dans cet ouvrage : la qualité et la pertinence des soins, les modes de financement et de régulation, le virage numérique, la qualité de vie au travail et surtout l’organisation territoriale des soins.
Selon certains de nos auteurs, comme les directrices d’hôpital Émilie Lebee et Inès Gravey, « des living labs implantés dans des hôpitaux, des hackathons pour réunir professionnels et usagers autour de la résolution de défis du système de santé, des acteurs nationaux comme locaux qui font appel à des designers pour accompagner la redéfinition de leur offre... assurément l’engouement pour l’innovation est en train de gagner le secteur de la santé hexagonal ». Elles ajoutent « qu’à l’heure où la transformation de notre système de santé se focalise sur la conception de nouveaux modèles financiers, juridiques ou numériques, la mobilisation des méthodes d’innovation permettant la construction de nouveaux modèles managériaux constitue une opportunité unique pour s’orienter enfin vers un système de santé tourné vers ses patients, aidants et professionnels ».
Le champ de la prévention en santé, le décloisonnement entre la ville, l’hôpital et le médico-social constituent aussi des leviers stratégiques qui renforceront la distribution des ressources pour réduire le déséquilibre structurel de notre système de santé. Enfin, l’hôpital participera encore davantage à l’harmonisation des actions visant l’accès aux soins, dans une perspective réduisant la complexité et favorisant le décloisonnement pour une meilleure coordination entre les différents professionnels.
Qu’en est-il de l’EHPAD du futur ?
Les EHPAD font partie du dispositif de l’offre de soins auprès des personnes en situation de vulnérabilité du fait du vieillissement de la population, notamment en France. Il sera nécessaire d’associer l’articulation entre le médico-social, la ville et l’hôpital. Selon Régine Roche, directrice d’EHPAD publics multisites et docteure en sciences de gestion, « l’EHPAD du futur sera ouvert sur le domicile et sur la ville, et fonctionnera dans une logique d’"inclusivité", ce qui suppose de changer de paradigme dans la relation individu/institution ».
L’objectif sera donc de sortir de la mono-exploitation centrée sur la fonction d’hébergement permanent, pour ouvrir l’EHPAD sur le territoire et l’amener à évoluer vers un « pôle ressources » capable de répondre aux attentes des personnes âgées fragiles et en perte d’autonomie, quels que soient leurs lieux de vie et situations personnelles et familiales. Dans cette optique, l’« EHPAD pôle ressources territorial » aura l’obligation d’apporter une amélioration tangible de la coordination des services à domicile en favorisant des partenariats et des coopérations externes avec d’autres opérateurs de services.
La dernière partie de l’ouvrage se concentre d’ailleurs sur le droit et l’éthique. Quel sont les problèmes qui se posent ici et qui se poseront à l’avenir ?
Plusieurs sujets d’actualité nourrissent les débats à l’heure où notre système de santé souffre de repères juridiques et éthiques pouvant garantir l’intégrité des valeurs fondamentales pour le patient, notamment dans le contexte de l’accélération du numérique en santé. Pascal Forcioli et le philosophe Frédéric Spinhirny apportent des analyses très éclairantes sur ces questions. Il s’agit d’aborder les impacts des organisations et des nouvelles technologies en santé pour les patients et les soignants. En effet, l’accélération du virage numérique a profondément modifié le rapport patient-soignant sur la qualité de la relation et des informations partagées. Nos auteurs abordent plusieurs axes : juridiques, éthiques, philosophiques et managériaux. Des questions essentielles sont également évoquées comme « la garantie humaine » dans la sécurisation des données de santé ou l’importance des responsabilités éthiques médico-administratives dans la coordination et la gestion des soins du patient-citoyen.
Comme le précise David Gruson, fondateur de l’institut EthikIA, « la crise sanitaire induit une accélération [des] transformations digitales avec une diffusion rapide d’innovations numériques : intelligence artificielle de diagnostic médical, pilotage par les données de santé, digitalisation du back-office du système… mais aussi de risques éthiques. La reconnaissance, en 2020, du principe de Garantie Humaine du numérique et de l’IA en santé représente, à cet égard, une avancée majeure. À partir de la nouvelle obligation de conformité en Garantie Humaine portée par l'article 11 du projet de loi bioéthique, cette contribution permettra d'identifier les modalités de management d'un dispositif opérationnel, porteur d'une véritable régulation positive de la transformation numérique en santé ». Il s’agit aussi, dans cette dernière partie, de proposer des pistes de réflexions pour mieux prendre en compte les besoins du patient dans un environnement de plus en plus technologique, pouvant augmenter le niveau de sa vulnérabilité. Le « prendre soin » reste une valeur humaniste, selon le Professeur Éric Delassus, qui doit guider la conduite des acteurs de santé pour s’adapter aux organisations actuelles et futures du système de santé français.